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samedi, 11 juin 2005

PATRICK DILS: "Etant innocent, je savais que je sortirais un jour par la grande porte. Simplement, je ne savais ni quand, ni où..."

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Son histoire, tout le monde la connaît. C’est celle d’un gamin de Montigny-les-Metz, âgé de 15 ans et quelques mois qui se voit accusé du meurtre de 2 jeunes enfants. Le 28 septembre 1986, Alexandre Beckrich et Cyril Beining, âgés de 8 ans sont retrouvés morts à côté d’une voie ferrée, tués à coups de pierres. 7 mois plus tard, le jeune Patrick Dils, qui se définit lui-même à l’époque comme « introverti, et très solitaire » est interpellé dans la rue un jour d’avril 1987. Le jour du meurtre, comme tous les weekends, il était parti chercher des timbres, sa passion, dans des poubelles près du lieu du drame. « Je m’en souviens comme si c’était hier, de cette journée, je me vois dire à ma mère : Maman, je vais voir s’il y a des timbres »…

Alors, commence « une descente aux enfers », une spirale infernale, celle de la garde-à-vue –« je n’ai plus vu mes parents pendant 21 mois »-, du procès devant la Cour d’assises de la Moselle et de la sentence qui tombe en janvier 1989 : condamnation à perpétuité pour meurtre.

« J’étais un petit garçon naïf, j’étais un fruit mûr, il n’y avait plus qu’à presser dessus », explique le jeune homme aujourd’hui âgé de 35 ans. Pendant sa garde-à-vue, il avoue. « Il y avait une grande pression, j’endosse un début de costume de coupable, on me suggère un scénario, il tient la route, et on rajoute des choses induites, on me dit que je serai libre, que c’est un accident… vous savez, on peut tous devenir coupables ! Cette histoire est monstrueuse, encore aujourd’hui je ne comprends pas, il y a eu tout un enchaînement en ma défaveur, je ne savais pas ce qui m’arrivait ». Et Patrick Dils d’évoquer l’enquête bâclée, les « trous » dans le dossier, les pressions qui le mèneront à réitérer ses aveux à plusieurs reprises… Il va se battre, avec un seul cheval de bataille : « mon innocence ». « Vous savez, ajoute-t-il, étant innocent, j’ai toujours su que je sortirais par la grande porte, je ne savais juste pas quand, ni où. ». Alors, en prison, Patrick Dils travaille en cuisine, apprend à faire de la reliure, chante avec un groupe de musiciens, «a toujours cherché une parcelle de positif dans toutes (ses) journées». Pendant des années, ses avocats multiplient en vain tous les recours. Il faut attendre 1998 pour voir les choses évoluer. Sur la base de nouveaux éléments qui révèlent la présence du tueur en série Francis Heaulme sur les lieux du drame, la Cour de Révision annule la condamnation de Dils. Chose rarissime. S’ouvre ensuite un nouveau procès devant la cour d’Assises de la Marne, Contre toute attente, et alors que le ministère public a requis l’acquittement, Patrick Dils est condamné à 25 ans de prison, en juin 2001. « J’étais choqué, abasourdi ! mais je ne voulais pas lâcher ». Ses avocats font appel et Patrick Dils sera rejugé devant la Cour d’assises d’Appel du Rhône qui l’acquittera définitivement en avril 2002.         « J’ai vécu plus qu’une erreur judiciaire, c’était un véritable acharnement. A partir du moment où on me « tombe » dessus, on se focalise complètement sur moi et on abandonne toute autre piste. Dans mon dossier, à par mes aveux, il n’y a rien », martèle encore Dils, avant d’ajouter : « Et ce n’est pas seulement moi qui ai été brisé, c’est toute ma famille ». Une famille qui a été très présente tout au long de cette épreuve, venant le voir en détention tous les weekends. Néanmoins, il tient à préciser : « je dois dire que c’est mon innocence qui a été mon plus grand soutien. C’est ma volonté. Même si vous avez une famille dévouée et de brillants avocats, sans la volonté de sortir de là, vous ne faites rien. C’est l’étincelle de l’innocence qui m’a permis de tenir ». Et le jeune homme de se replonger dans son calvaire : « Le plus dur, c’était certainement la détention, et puis le fait de devoir d’affronter le regard des gens dans une cour d’assises, comme il faut affronter le regard des détenus alors qu’on est condamné au pire des crimes : le meurtre d’enfant ».

Aujourd’hui, cariste dans une entreprise de fabrication de casseroles, celui qui a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux avant d’être acquitté ne ressent aucune haine « mais je ne pardonnerai jamais le mal que l’on m’a fait »(…) « J’ai ma conscience pour moi. Aujourd’hui, j’affronte le regard des gens sans problème. Je suis juste Patrick. Je ne fais rien d’extraordinaire quand je témoigne lors de conférences, et que je défends les valeurs de la vie. Après tout ce que j’ai vécu en prison, il n’y a plus rien de grave pour moi. La vie est belle, les gens libres se mettent trop souvent dans des prisons virtuelles. » Le « petit garçon naïf de Montigny les Metz » a mûri en prison, « j’y ai rencontré des gens qui m’ont permis de me révéler »

Celui qui dit avoir « retrouvé son honneur à Lyon », (quand il est finalement acquitté en appel en 2002), mène une vie tranquille et rêve d’ouvrir un restaurant. « Ma revanche a été de réussir ma vie après la prison, de dire et redire que la famille Dils est honorable. J’aimerais juste que la Justice française me fasse des excuses. J’ai été acquitté et pour ma famille et moi ce serait symboliquement important ».

Même s’il n’a pas « de solutions miracles pour que les erreurs judiciaires ne se reproduisent plus », Patrick Dils, confie avoir « encore foi en la justice, pour une seule raison : malgré tout, même s’il a fallu 15 ans, dans mon affaire la justice a reconnu ses torts et fait marche arrière ».

19:25 Publié dans Enquète | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

bonjour , dans le témoignage de Patrick j'ai cru reconnaître une partie de ma personnalité lorsque j'avais 16 - 17 ans. Aujourd'hui j'en ai 26. J'ai suivi votre parcours relativement pénible. Dans cette affaire, ce qui me choque, c'est l'acharnement des inspecteurs de police. Il s'agissait en effet de trouver un "faux" coupable pour résoudre l'affaire au plus vite. Que sont devenues ces personnes notamment Varlet et le Juge d'instruction? Ont-ils été suspendu de leurs fonctions ou ont-ils juste subi des "réprimandes"?Je m'intéresse beaucoup à l'histoire de Patrick car il semble que dans son malheur il ait acquit une force morale bien supérieure à celle d'autres personnes.Je souhaiterai lui envoyer des messages de sympathie et suivre son parcours actuel. A-t-il un site pour lui en envoyer?Merci d'avance.

Écrit par : elodie | dimanche, 21 février 2010

C'est vraiment excellent, je viens de twitter votre billet. C'est mon tout premier commentaire ici et je reviendrai avec plaisir sur votre blog !

Écrit par : Rencontres | mercredi, 14 avril 2010

tres beau récit que j'ai lu en une journée!!!! quel cauchemar a t il veccu!!! j'espère que les personnes qui lui ont fait du tort s'en veulent énormément et j'espère qu'ils ont eté punis !!!!ca m'a écoeuré de savoir que le monde de la justice et carcérale soient dépourvu de toute humanité et agissent a leur guise!!!heureusement que bien des choses ont changé maintenant!!enfin j'espere!!!

Écrit par : fichaux | dimanche, 09 décembre 2012

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