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mardi, 07 juin 2005

DANIEL LEGRAND. "En garde à vue, en prison ou à la barre, je ne cessais pas de dire: je ne sais pas ce que je fais là. Je n'ai rien à voir là dedans..."

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Tout a démarré à 7H55, un matin de l’année 2001 sur le parking de l’usine dans laquelle Daniel Legrand travaillait. Ce père de famille de 5 enfants, ouvrier, aujourd’hui âgé de 55 ans, est interpellé sans explication aucune, menotté et sommé de conduire les policiers à un de ses fils, celui prénommé Daniel comme lui. Ce dernier est aussi interpellé. Le cauchemar commence. Direction le commissariat pour 48 heures de garde-à-vue. « Et je ne savais toujours pas pourquoi j’étais là ! » se souvient avec nervosité Daniel Legrand père. A l’entendre, la situation vécue par le père et son fils est hallucinante. « ça a été dur… on m’explique alors en vrac, que je suis accusé de viol par le couple Delay-Badaoui, que je suis tenancier d’un sex-shop en Belgique… mais je ne les connais pas ces gens… la dernière fois que je suis allé en Belgique c’était avec mes parents, avant mon mariage, et Outreau je n’y ai jamais mis les pieds !! » s’emporte-t-il encore. « Et puis on veut me faire dire que mon surnom était Dany, mais je n’ai jamais eu aucun surnom de ma vie !! »
La vie de Daniel Legrand père –comme celle de son fils Daniel- a basculé. Il est un des accusés de l’affaire Outreau. La police croit avoir démantelé un vaste réseau de pédophilie dans le quartier misérable de la petite ville du Nord. Les enfants, victimes, ont évoqué un certain « Dany le Grand », « Dany le Belge » qui serait « le chef du prétendu réseau ». La police croit l’avoir trouvé en la personne de Daniel Legrand père et/ou fils. Sans autre précaution, les deux Daniel Legrand sont propulsés dans ce dossier. Séparé de son fils en garde à vue, Daniel Legrand ne le reverra pas de si tôt. Présenté au juge Burgaud, il ne cesse de clamer son innocence. Il est incarcéré. La spirale est en marche. Personne ne semble pouvoir l’enrayer.
En prison à Amiens, « Je me disais que tout cela n’était pas possible, qu’ils allaient bien se rendre compte au bout de 15 jours que je suis innocent, et qu’il y a une erreur ». Mais non. « Et je leur donnais tout mon emploi du temps, ils pouvaient facilement tout vérifier. Matériellement je ne pouvais pas avoir le temps de faire tout ce dont ils m’accusaient. Je passais les 3/4 de mon temps au travail et ne prenais pratiquement pas de congés. Je pensais qu’ils faisaient une enquête mais à chaque fois ils me reposaient encore les mêmes questions, et je répétais mon innocence. Mais personne n’entendait ». Et Daniel Legrand reste derrière les barreaux. Après Amiens, ce sera Fresnes. Son incarcération va durer 30 mois et 15 jours. Avec le lot de souffrances qui l’accompagne. Ce que la pudeur vous empêche de raconter. Il lâchera seulement «c’est quand même mal vu d’être incarcéré pour une affaire de pédophilie comme Outreau, j’avais beau le dire aux autres détenus, je n’étais pas entendu ».
La famille est le seul soutien de Daniel. A l’extérieur, son épouse Nadine, isolée avec ses enfants, tente de faire face. Sans ressources, dépressive, tenant grâce aux médicaments, elle connaît les réveils aux aurores pour faire la queue aux Restos du Cœur, et reste respectivement 6 et 14 mois sans pouvoir voir ni son mari ni son fils- « je ne savais pas comment marchait le permis de visite en détention, qu’il fallait le demander ». « Ca a été un calvaire pour elle », ajoute son mari qui, pour l’aider, a toujours cherché à travailler mais « on le lui a toujours refusé »...« Mon but, explique encore cet ouvrier, était de dire la vérité, aux policiers, au juge. Mais ils ne m’écoutaient pas. Seule comptait la parole de Myriam Badaoui. Et le juge n’a jamais pris en compte nos courriers non plus»- notamment celui dans lequel Nadine Legrand envoie le certificat d’un chirurgien témoignant, qu’à l’époque, son mari avait un kiste « très visible » à l’oreille. De cela, Myriam Badaoui n’a jamais parlé. La famille Legrand, livrée en pâture à la justice et aux medias, a vécu un véritable cauchemar. L’image d’Epinal qu’ils avaient de la Justice- « qui met des gens en prison pour les punir d’avoir fait quelque chose de mal»- a explosé. Aujourd’hui, Daniel est libre. Le revirement de Myriam Badaoui à la barre a fait basculer le procès. Ils sont 7 à avoir été acquittés en juillet 2004. 6 autres, dont leur fils, continuent d’être accusés mais crient toujours leur innocence. « Nous ne serons tranquille que quand il sera acquitté, expliquent Daniel et Nadine Legrand. Il aurait dû en finir en même temps que moi, ajoute le père.. Après on essaiera peut-être d’oublier… »
Et de conclure, le visage fermé « on ne devrait pas envoyer des innocents en prison comme ça, c’est bien trop grave…vous vous rendez compte si Myriam Badaoui n’avait pas craqué un jour à la barre, on serait peut-être toujours derrière les barreaux… »

Nathalie de Besombes/Gamma

22:50 Publié dans Enquète | Lien permanent | Commentaires (0)