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dimanche, 12 juin 2005

DENIS SEZNEC. "Mon grand père me surnommait l'enfant du destin, c'est probablement moi qui étais désigné..."

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L’affaire Seznec est très certainement aux yeux des Français le symbole même de l’erreur judiciaire, tout autant que l’affaire Dreyfus.
Le 25 Mai 1923 Guillaume Seznec, maître de scierie à Morlaix et son ami Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, partent tous les deux en direction de Paris pour négocier un contrat de vente de voitures américaines. C’est l’époque des grands trafics de l’après guerre et Quémeneur se propose de racheter ces voitures un peu partout en Bretagne pour les revendre à prix d’or aux Soviétiques. Quelques jours plus tard, Guillaume Seznec revient seul à Morlaix. Quémeneur ne réapparaîtra jamais. Ni vivant ni mort.
Le 4 Novembre 1924, Guillaume Seznec est condamné par la Cour d’Assises du Finistère aux travaux forcés à perpétuité pour le meurtre de Pierre Quémeneur. Il restera 24 ans dans les bagnes de Guyane avant d’être gracié. Il est âgé de 69 ans quand il revient en France. Guillaume Seznec a toujours nié le meurtre dont on l’accusait. En 1954, il meurt après avoir été renversé par une camionnette dans des circonstances jamais élucidées. L ‘histoire Seznec c’est aussi le combat de toute une famille, sur plusieurs générations, pour obtenir la révision du procès et la réhabilitation de Guillaume. Après sa femme, sa mère et sa fille, c’est aujourd’hui son petit-fils, Denis Seznec, âgé de 58 ans, qui lutte pour démontrer son innocence et lui rendre son honneur. «Toute ma vie a tourné autour de ça » dit-il lui-même. « Ce combat, il démarre pour moi à l’âge de 12 ans et demi. C’est l’année où on m’apprend sa mort . En fait mon grand-père est mort 5 ans avant mais on me l’a caché de peur que ça me choque –de 1 à 5 ans j’avais été mutique. Il faut dire que j’étais le chouchou de mon grand-père à son retour du bagne. C’est lui qui m’élève, il est mon parrain. J’étais son bébé. Il me surnomme même « l’enfant du destin », probablement que c’était moi qui étais designé… » confie-t-il encore.
« Quand il revient, gracié par de Gaulle, reprend Denis Seznec, mon grand père est pour moi un héros, une sorte de survivant, accueilli, qui plus est, par des milliers de personnes. Ce n’est qu’à 12 ans et demi que je vais découvrir l’affaire criminelle. Et c’est là que je me suis juré avant d’être « vieux » (dans mon esprit je pensais à 25-30 ans d’âge) de le réhabiliter ».
Ce sera donc l’obsession de sa vie. Denis Seznec va se plonger dans le passé de son grand père. Inlassablement. Passionnément. Il va découvrir le couple de ses grand-parents -« ça a été mon moteur. Un couple extraordinaire que celui de Marie-Jeanne et Guillaume ! tellement attachant ! » et tenter de pénétrer le mystère qui entoure l’histoire criminelle.
« L’affaire Seznec, c’est l’affaire criminelle par excellence mais on ne sait pas s’il y a un crime, car il n’y a pas de cadavre, pas d’arme, pas de squelette, pas de mobile, pas de témoins, pas d’aveu, pas de scène de crime… C’est complètement hallucinant ! » commente, passionné, Denis. Et l’on peut également ajouter à ces éléments la personnalité pour le moins contestée de l’inspecteur Bonny, lequel a conduit l’enquête. Le tableau d’ensemble est pour le moins troublant. Plus qu’une erreur judiciaire, Denis Seznec évoque « une machination ». « Mon grand-père a été un bouc émissaire », déclare-t-il. Guillaume Seznec représentait l’assassin ideal. L’obstination de ses descendants en sera décuplée. « Bien sûr que j’ai voulu arrêter, continue son petit-fils, certains matins étaient difficiles ! La longueur de cette affaire peut également paraître incroyable : ça va bientôt faire 82 ans que mon grand père a été condamné mais en même temps, l’idée même de renoncer me donnait un sentiment de trahison par rapport à mes grand-parents. Je ne pouvais pas les lâcher. Ma famille a été bien détruite quand même »…En 2001 Marylise Lebranchu va considérablement faire bouger les choses. Elle déclare :« Il faut rouvrir le procès Seznec. La magistrature doit reconnaître ses erreurs, non pas comme des fautes mais comme des erreurs dues à des circonstances ou à la façon dont a été monté le dossier ». C’est en mars de la même année que la Commission de révision est saisie afin de réhabiliter Seznec. Le 24 janvier 2005, elle s’est réunie pour décider de poursuivre ou non la révision. Elle a rendu son avis le 11 avril dernier . Elle a tenté d’établir que les éléments présentés par Marylise Lebranchu à l’appui de sa demande constituent « un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de l’accusé ». Comme c'était le cas, le dossier Seznec sera renvoyé devant la Cour de Révision qui pourra décider d’annuler la condamnation de 1924 et « décharcher la mémoire du mort ».
Denis Seznec pourrait alors enfin déposer les armes…

Nathalie de Besombes/Gamma

01:20 Publié dans Enquète | Lien permanent | Commentaires (2)